Comment Google s’est incliné face à son concurrent russe

Le 13 novembre 2012. Le bureau de Google à Toronto.

Le 13 novembre 2012. Le bureau de Google à Toronto.

Reuters
Le service fédéral antimonopole russe (FAS) a reconnu la compagnie américaine Google coupable d’avoir enfreint la loi « sur la protection de la concurrence ». La plainte avait été déposée par le plus important moteur de recherche russe, Yandex. Google a jusqu’au 18 novembre pour autoriser les constructeurs d’appareils fonctionnant sous Android à préinstaller les applications de ses concurrents, y compris Yandex.

Que s’est-il passé ?

En février 2015, le FAS a ouvert une enquête contre Google à l’initiative de Yandex. La société internet russe accusait l’américain d’abus de position dominante sur le marché des appareils fonctionnant sous Android.

Comment Google a-t-il enfreint la libre concurrence ?

Android est un système d’exploitation pour mobile gratuit de Google, qui domine le marché des OS mobiles avec une part de 85%. En décembre dernier, la compagnie a brusquement changé les conditions de sa coopération avec les constructeurs d’appareils mobiles sous Android. Google leur a interdit de préinstaller (c’est-à-dire, d’installer sur le téléphone avant la vente) les applications de ses concurrents, y compris les moteurs de recherche. Dans le cas qui a été jugé illégal, Google menaçait de bloquer sur ses appareils ses propres services extrêmement populaires, tels que Google Maps, Youtube, Gmail et le magasin Google Play, qui est la première source d’applications pour tout propriétaire de smartphone Android.

Par conséquent, toute une série de constructeurs de smartphones, comme Fly, Explay et Prestigio, qui coopéraient auparavant avec Yandex ont dû annuler leur partenariat avec la compagnie russe.

Pourquoi cette question était-elle importante pour Yandex ?

Pour Yandex, la Russie est un marché crucial. Cependant, la part de marché de Yandex en Russie chute régulièrement, et celle de Google augmente. Si cette tendance perdure, dans deux ou trois ans, le géant américain pourrait devenir le leader des moteurs de recherche russes. En septembre 2015, Yandex occupait 57,4% du marché des recherches en Russie, et Google 34,9% (données Liveinternet).

De ce fait, il est crucial pour la compagnie russe de conserver la possibilité de diffuser ses applications et son moteur de recherche sur les appareils mobiles. Fly, Prestigio et Explay, avec lesquels Yandex travaille, occupent une part significative du marché russe.

Qui va dorénavant décider quel moteur de recherche se trouvera sur les téléphones ?

La victoire de Yandex restaure les anciennes règles du jeu sur ce marché. Tous ceux souhaitant installer leurs applications doivent s’entendre avec les constructeurs de smartphones et tablettes, en leur proposant les conditions les plus avantageuses. De plus, Google est tenu d’informer les utilisateurs de terminaux mobiles sous Android de la possibilité de désactiver les applications préinstallées, de changer le moteur de recherche par défaut du navigateur Google Chrome, et de proposer l’installation des widgets de recherche et des services de ses concurrents.

Combien d’argent Google pourrait-il perdre sur le marché russe ?

À part Yandex, Google n’a aucun véritable concurrent sur le marché russe. Selon les données de SPARK-Interfax, Google a gagné 18 milliards de roubles en Russie en 2014, près de 300 millions de dollars (au cours actuel). Le bénéfice net total de la compagnie est de 44 milliards de dollars, ce qui signifie que la part de la Russie dans les bénéfices de Google est d’environ 0,5%. On peut difficilement parler de perte critique.

Cependant, la décision du FAS est un précédent intéressant pour la communauté internationale et pourrait à l’avenir faire jurisprudence pour les poursuites d’autres compagnies. L’UE accumule depuis longtemps des preuves des violations par Google de la législation antimonopole, et le cas de Yandex crée un précédent. Si la faute de Google est prouvée, la Commission européenne pourrait infliger à la compagnie d’une amende représentant l’équivalent de 10% de son chiffre d’affaires, soit un montant record de 6 milliards de dollars.

Anton Krokhmaliouk est le directeur du marketing chez e-Legion, expert d’internet

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